Cette histoire se déroule au Moyen-âge, sous le règne de Philippe II (dit Philippe-Auguste).
A cette époque notre région, ainsi qu’une partie de l’actuelle Belgique, dépendaient des Comtes d’Artois (vassaux des Ducs de Bourgogne et alliés aux Anglais contre le roi de France Philippe-Auguste). La paix est pourtant revenue entre le Roi de France et le Comte de Flandres, après des années de guerre qui avaient affaibli les habitants de la région. On pouvait croire à une amélioration dans la vie quotidienne…

Notre région comportait de grandes surfaces marécageuses, mais dans les marais de Beuvry, il n’y avait pas que des castors !
(Le castor a été présent à Beuvry comme cela a été rappelé sur un autre blog, expliquant d’ailleurs très bien l’origine du nom de notre commune.)
Le sol marécageux de Beuvry et de Béthune favorisait l’éclosion de mouches, moustiques, puces mais aussi des rats. Tous ces « indésirables », contribuaient à la propagation des maladies contagieuses et mortelles : malaria, lèpre, peste.
De plus la ville de Béthune ayant à l’époque de nombreux marchés, voyait arriver des marchandises provenant du Moyen-Orient par des bateaux déchargeant à Boulogne et à Calais des épices, parfums ou encore des étoffes,… mais aussi des rats porteurs de puces, vecteurs de la peste.
Fin 1187, une épidémie très virulente sévit dans la région, mais l’hiver calma la contagion. L’épidémie (dont certains historiens n’ont pas la certitude qu’il s’agissait de la peste) reprit en 1188 avec une nouvelle vigueur. La médecine de l’époque était rudimentaire et impuissante, l’hygiène inexistante et la population locale affaiblie par la guerre qui venait de se terminer.
Le découragement est total et la désolation s’empare de la population dont une partie fuit les villes en laissant derrière elle les malades sans soins ni secours. Les cadavres s’amoncellent sans sépulture.
Au XIIe siècle, l’Église est parvenue à instaurer un rituel mortuaire et les défunts sont habituellement ensevelis par la famille ou les amis. Mais en temps d’épidémie, les volontaires se font plus rares…
C’est alors que nait la confrérie des charitables de Saint Éloi.
Selon un récit (lettre de Pierre de Nogent, datée du 26 Octobre 1317), à trois reprises, Saint Éloi (le Patron des forgerons) apparut de nuit à Germon, un forgeron de Beuvry, et en même temps à Waultier (Gauthier), un autre forgeron du faubourg de Saint-Pry.
Saint Éloi leur demanda de fonder une « karité » (confrérie de charité), qui inhumera les défunts, et pour instaurer une « candeille » (chandelle de cire vierge) pour guérir les malades.
Le 21 septembre, jour de la fête St-Matthieu, les deux forgerons se rencontrent près de la source de Quinty et se racontent leur rêve respectif.

Exposant leur aventure au moine Rogon, du couvent cistercien de Saint-Pry, celui-ci leur demande de constituer leur « karité » et de commencer à enterrer dignement tous les défunts comme l’a demandé Saint Éloi. Quant au moine, il se charge de leur fournir la Sainte-Chandelle en cire vierge.
Devant le courage de ces deux forgerons, des habitants des deux villes viennent les aider.
Progressivement, les défunts sont dignement inhumés, et les malades sont soignés, l’épidémie régresse doucement, puis finit par disparaître complètement.
Si le mystère demeure quant à l’apparition de Saint Éloi, la chose la plus étrange de cette histoire est que jamais aucun charitable n’ait contracté la peste.
La prophétie de Saint Éloi était :
« Le fléau n’approchera point de vous, ni même de vos demeures ! »
Pendant la Révolution, la confrérie fut officiellement supprimée, mais ses membres continuèrent à agir comme par le passé, protégés par la sympathie de la population. En 1802, le maire de Béthune leur restitua le droit de transporter les morts.Fidèle à la tradition, la Confrérie des Charitables de Beuvry continue à assurer gratuitement le service des funérailles et d’inhumation de tous les défunts de la commune.
Chaque année, le dimanche qui suit le 21 septembre, les Charitables de Beuvry retrouvent ceux de Béthune à l’endroit où les 2 forgerons se sont rencontrés le 21 septembre 1188.

Voir aussi cet article sur le blog éphéméride d’Archimède